Le financement des ONG sous pression

L’année à venir pourrait être la plus difficile de l’histoire des ONG. Les trois principales sources de financement des ONG – les ménages, le financement public, la philanthropie – sont toutes sous pression. Le contexte politique est on ne peut plus hostile pour les ONG, avec le rétrécissement de l’espace civique, la montée des mouvements d’extrême droite et la criminalisation de l’activisme. La crise de financement qui frappe le monde des ONG risque d’intensifier le débat en cours autour des modèles économiques et de la diversification des financements.

Un environnement politique de plus en plus hostile

De récents rapports d’Amnesty, Civicus et des Nations Unies confirment tous la montée de la répression contre l’activisme des ONG. La rhétorique anti-immigrés, anti-société civile et anti-État de droit de l’administration Trump fait écho aux mouvements d’extrême droite qui se propagent à travers l’Europe : politiques visant à supprimer le financement du plaidoyer des ONG, criminalisant l’activisme et la protestation des ONG, instrumentalisation du cadre juridique pour réduire au silence les ONG.

Les trois sources de financement des ONG sont sous pression

Les ONG se sont à peine remises de la crise de la COVID-19 de 2020-2022 – qui a frappé de manière disproportionnée leur structure de financement comparé au secteur privé – et de l’explosion de l’inflation qui a suivi en 2021-2023. Et les voilà de retour dans l’œil du cyclone, avec un ensemble de défis sur plusieurs fronts entraînés par l’incertitude économique et les risques géopolitiques.

La phase inflationniste semble terminée. C’est peut-être la seule nouvelle positive à l’horizon. Pour le reste, et pour l’instant, les perspectives économiques restent très incertaines. Les trois principales sources de financement des ONG – les ménages, le financement public, la philanthropie – sont en effet sous pression.

L’aide publique au développement sera réduite de près de 50 milliards de dollars au cours des deux prochaines années

Le principal choc de financement provient des bailleurs de fonds publics et des budgets de l’aide publique au développement (APD). Alors qu’une grande partie de l’attention du public est concentrée sur la décision de l’administration Trump de démanteler l’USAID, les réductions de financement d’autres grands donateurs d’APD étaient déjà engagées en 2024, comme l’indique l’ OCDE.

Globalement, sur la base des données fournies par Donortracker.org, l’APD totale devrait passer de USD234 milliards en 2024 à USD203 milliards en 2025 et à USD186 milliards en 2026. Entre 2024 et 2026, l’APD devrait diminuer de -20 %, soit 48 milliards de dollars.

Les ONG les plus susceptibles d’être touchées par les réductions de l’APD sont les ONG purement humanitaires. Les ONG dont le financement est plus équilibré devraient être moins touchées directement, et les « pure players » du plaidoyer et de l’activisme le moins. Cependant, la chute de l’APD enverra des ondes de choc dans l’ensemble de l’écosystème des ONG.

Flux d’APD 2018-2024 et prévisions pour 2025-2026

OECD data & Donortracker.org

Les ménages et les autres donateurs individuels

Il est difficile de prédire comment les prévisions de croissance du PIB se traduiront en termes de revenu disponible des ménages. Les dernières données suggèrent que les revenus des ménages restent sous pression.

La situation est certainement préoccupante si l’on examine les rapports récents sur les dons individuels. Les rapports d’enquête couvrant le Royaume-Uni et les États-Unis confirment les tendances à la baisse des dons individuels qui ont commencé avec la pandémie de Covid-19 en 2020-2021.

Le seul aspect positif est la fin de la phase inflationiste qui a fortement érodé la valeur des dons réguliers en termes réels en 2022-2024.

Revenu disponible brut des ménages dans les économies de l’OCDE 2012-2024

Les fondations privées

Les donateurs institutionnels privés, et les fondations en particulier, sont devenus une source majeure de revenus pour les ONG, et les ONG internationales en particulier. Là aussi, les perspectives ne sont pas trop rassurantes. Les flux d’aide étrangère des fondations privées stagnent depuis 2021 et ont en fait légèrement diminué pour s’établir à USD11,6 milliards en termes réels en 2023.

L’inquiétude est assez forte en ce qui concerne les fondations privées américaines. L’administration Trump exerce sans aucun doute un effet dissuasif sur plusieurs fondations privées créées par des milliardaires et des magnats du numérique qui souhaitent maintenir de bonnes relations avec l’administration pour protéger leurs propres affaires.

Décaissements des fondations privées 2017-2023

prix constants milliards USD, 2023 OECD data

Le modèle économique des ONG remis en question

La crise de financement qui frappe le monde des ONG risque d’intensifier le débat en cours autour des modèles économiques et de la diversification des sources de financement dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

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