Commentaires sur la proposition de révision des Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE

Le 19 septembre 2022, l’OCDE publie une proposition de révision des Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE. Rédigés pour la première fois en 1999 sous forme de Principes de l’OCDE (à la suite des crises financières russe et asiatique), les Principes ont été substantiellement révisés en 2004 (scandales Enron et WorldCom), puis légèrement mis à jour en 2015, lorsque le texte a été promu au statut de référentiel du G20. La révision du texte est à nouveau à l’étude. Suite à la consultation publique en cours, les négociations devraient se poursuivre à huis clos en 2023, avec une adoption probable par l’OCDE et le G20 d’ici la fin de l’année.

Dans l’ensemble, la proposition de révision semble être du même esprit que celui de 2015: mettre à jour le texte sur la base de nouvelles pratiques, mais à la marge, en particulier lorsqu’il s’agit de questions non financières. On peut en regretter la faible ambition. On doit cependant garder à l’esprit que ce texte du G20 et de l’OCDE est censé être approuvé par un certain nombre de pays allant bien au-delà du cercle de l’OCDE et de ses valeurs communes – un texte à adopter de l’État du Delaware à la République populaire de Chine, de la Finlande à l’Afrique du Sud, etc.

A jour des dernières tendances

En examinant les modifications proposées, nous nous dirigeons en effet vers une « mise à jour », semblable à ce qui s’est passé en 2015, et contrairement au processus plus conséquent de l’après Enron en 2003. Certains des amendements visent ainsi à prendre en compte de nouveaux enjeux et tendances apparus après 2015:

  • C’est évidemment vrai pour la numérisation, avec la référence aux outils numériques pour renforcer la surveillance (principe I.F révisé) et à la tenue d’AGA virtuelles et hybrides (II.C.3).
  • Il y a également des ajustements relatifs à la gouvernance du conseil d’administration. C’est le cas de l’équilibre homme / femme (IV.A.6 sur la divulgation des processus du conseil et V.E.4 sur l’évaluation et l’évaluation du conseil) et de la politique de gestion des risques (nouveau principe V.D.2). Un nouveau principe pourrait intriguer : V.A.1 recommande d’accorder une immunité totale aux membres individuels du conseil d’administration contre les litiges pour décisions collectives du conseil.

Il y a cependant des changements plus substantiels.

S’attaquer à la complexité des structures pyramidales

De toute évidence, l’opacité des groupes d’entreprises et de leurs structures pyramidales est une préoccupation centrale de la proposition de révision. Elle fait l’objet de plusieurs modifications dans le texte : un nouveau principe I.H. « Des cadres réglementaires clairs devraient assurer la surveillance efficace des sociétés cotées au sein des groupes de sociétés » et des modifications des principes existants, respectivement sur la protection des actionnaires minoritaires (II.G.), la transparence sur les structures de capital (IV.A.3.), les propriétaires réels et les droits de vote (IV.A.4) et les transactions entre parties liées (IV.A.7), ainsi que dans l’accès des membres du conseil d’administration à l’information (V.F).

Enfin un peu de visibilité sur les questions liées à la durabilité

Les experts en gouvernance d’entreprise de l’OCDE ne sont pas connus pour leur enthousiasme à lier les questions de gouvernance d’entreprise et d’investissement responsable / durabilité. Les partisans d’une approche « pure » de la gouvernance d’entreprise ont toujours dominé les discussions par le passé. Compte tenu de cela, le fait que la révision proposée prenne en compte plusieurs éléments liés à la durabilité est une surprise.

  • Un nouveau principe est inséré sur le lobbying (VI.C.1. « Les conseils d’administration devraient veiller à ce que les activités de lobbying des entreprises soient cohérentes avec leurs engagements en matière de développement durable » );
  • Un amendement au texte porte sur la transparence des critères ESG dans la fixation de la rémunération des dirigeants (IV.A.5.) – mais le texte s’abstient de recommander l’inclusion de critères ESG en tant que tels;
  • Il y a peu de changements à la section sur le rôle de l’activisme actionnarial, si ce n’est une brève référence aux questions liées au climat (Principe II.D permettant aux actionnaires institutionnels « de se consulter »).

Outre ces petits changements, l’innovation majeure du texte en matière de durabilité porte sur (i) la surveillance accrue des analystes ESG, et (ii) la création d’un nouveau chapitre sur « la durabilité et la résilience ».

Les analystes ESG sous surveillance

Les analystes ESG et leurs méthodologies sont définitivement sur le devant de la scène. Les agences de notation crédit étaient l’objet de négociations ardues en 2003-2004 lors de la révision des Principes post-Enron. À l’époque, elles ont conduit à la création d’un nouveau principe sur les conflits d’intérêts des « intermédiaires fournissant des conseils et des notations » (III.D). Ce principe est à nouveau sujet à révision, cette fois pour renforcer la surveillance des agences de notation ESG qui, nous dit-on, « peuvent avoir un impact significatif sur les politiques de gouvernance et de durabilité des entreprises compte tenu de leurs méthodologies de notation et de leur critère d’inclusion d’indices ». L’amendement proposé demande à ce que « les méthodologies utilisées par les prestataires de services qui produisent des notations et des indices soient transparentes et accessibles au public pour les clients et les acteurs du marché ».

Du côté des partisans de l’approche de la matérialité unique

Le nouveau chapitre sur « la durabilité et la résilience » contribue à moderniser les Principes. Il était temps. Toutefois, la définition retenue de la notion de « matérialité relative » et, plus généralement, l’approche de l’OCDE pour définir la portée des questions de durabilité peuvent être préoccupantes. De toute évidence, le texte proposé se range du côté des partisans de l’approche de la « matérialité unique » (ne divulguer que ce qui est pertinent pour l’entreprise, et non pour la société en général, les questions qui « contribuent à la durabilité et à la résilience de l’entreprise », qui « peuvent raisonnablement affecter la valeur des actifs d’une entreprise et sa capacité à générer des revenus », etc.). Le texte tolère l’approche de la « double matérialité » (intégrer l’impact des entreprises sur la société dans son ensemble), mais il le fait avec des mises en garde explicites (« Si cela est conforme aux exigences légales et de divulgation d’une juridiction », « les entreprises devraient toujours tenir compte des intérêts financiers de leurs actionnaires »).

Les pièces manquantes

D’autres questions manquent à l’appel. Le texte ne dit rien sur les politiques de dividendes et de rachat d’actions. Et bien qu’il y ait des améliorations concernant la politique de gestion des risques du conseil d’administration, le texte est beaucoup trop timide en ce qui concerne le risque spécifique posé par l’optimisation fiscale agressive (malgré une nouvelle référence à la fiscalité dans V.D.2 et un texte amélioré sur les honoraires des auditeurs dans IV.C). Et sans surprise, le texte reste indécis sur les questions traditionnelles de gouvernance d’entreprise telles que la séparation des fonctions de PDG et de président et la responsabilité (et pas seulement les droits) des actionnaires d’agir dans l’intérêt à long terme de l’entreprise.

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