Le financement des ONG

Après une longue période de croissance, le financement des ONG internationales (ONGI) entre dans une période de turbulences : stagnation des dons des ménages de la classe moyenne, par ailleurs durement touchés par les interminables crises (Covid-19, crise énergétique, inégalités croissantes), diminution des financements publics et des flux d’APD, concentration géographique excessive des donateurs dans les économies de l’OCDE, augmentation continue des dons et des subventions « liées », une pression réglementaire croissante et, plus largement, un environnement politique de plus en plus difficile, alimenté par des forces populistes et isolationnistes.

Le financement des ONGI peut être regroupé en quatre priorités : (i) la diversification des revenus (à la fois géographiques et par type de donateur), (ii) une gestion financière efficace et l’engagement des donateurs, (iii) exploiter les opportunités liées à la transition numérique, et (iv) gestion du contexte politique.

En ce qui concerne la diversification géographique, les ONGI restent assez dépendantes des pays de l’OCDE, ce qui crée à la fois des opportunités (sociétés de classe moyenne résilientes) mais aussi des risques (pool restreint de donateurs, faibles perspectives de croissance du PIB). De nombreuses ONG internationales tirent la majeure partie de leurs revenus d’un groupe encore plus restreint de donateurs : une poignée de pays – généralement les marchés historiques où l’ONG a été établie.

L’importance de la diversification des revenus des donateurs – particuliers, institutions publiques, institutions privées – dépend en grande partie du modèle économique de l’ONG et de ses objectifs : plaidoyer politique, opérationnel (que ce soit humanitaire ou axée sur le développement) ou les deux. Une ONG internationale spécialisée dans le plaidoyer et l’activisme, par exemple, reçoit généralement des fonds de particuliers. En revanche, une ONG humanitaire s’appuiera aussi sur les financements publics, et en particulier sur l’aide publique au développement (APD).

Les donateurs individuels ont pendant longtemps été la principale source de revenus des ONG. En principe, ils offrent le meilleur modèle de financement :
• des dons modestes, mais réguliers, assurant la viabilité financière à long terme,
• des dons sans restriction (soutenant l’ONG dans son ensemble, pas un projet spécifique) contribuant à la flexibilité budgétaire et
• des dons provenant d’une large base de soutien de citoyens, contribuant à la légitimité et au poids politique de l’ONG.

Néanmoins, l’érosion du revenu disponible des ménages dans les économies de l’OCDE et, plus récemment, le retour de l’inflation exercent une forte pression sur les ménages, et donc sur leur capacité à donner. L’augmentation des inégalités de revenus et le vieillissement de la population modifient également le comportement des ménages à l’égard des dons aux associations en général.

Le financement public et l’APD représentent également une part substantielle du financement des ONG, bien que les flux d’APD vers les ONG aient stagné, voire diminué, au cours de la dernière décennie. La part croissante de l’APD affectée (ou liée) limite également la liberté d’investissement des ONG et peut créer des problèmes financiers lorsque les coûts indirects ne sont pas couverts par le financement.

Les donateurs institutionnels privés, et en particulier les fondations créées par des particuliers fortunés, sont devenus une source de financement croissante ces dernières années. Leur succès tient en partie au contexte d’accroissement des inégalités de revenus, de financiarisation et de digitalisation de l’économie. Six des dix plus grandes fondations ont été créées après 2000, et représente plus de 60 % de l’ensemble des fondations. Les fondations créées par des magnats du numérique et des gestionnaires de fonds spéculatifs représentent plus de la moitié des flux. Les fondations privées sont attrayantes en raison de leurs coûts de transaction relativement faibles, de leur plus grande flexibilité de financement (par rapport à l’APD) et, bien sûr, de leur potentiel financier. Les préoccupations tournent autour de leur influence politique indue, notamment dans la sélection des priorités des ONG.

Les pratiques modernes de gestion financière des ONG comportent trois aspects clés : (i) engager les donateurs actuels et potentiels (qu’il s’agisse de donateurs individuels ou institutionnels) et (ii) assurer un soutien durable et « l’acquisition » de ces donateurs à plus long terme (et à un coût raisonnable) et (iii) exploiter les opportunités offertes par la numérisation. Ce processus peut être très lourd et complexe, en particulier pour l’engagement avec les ménages et les individus afin d’obtenir de nouveaux donateurs.

Enfin, le contexte politique plus large devient plus difficile pour les ONG. Les systèmes politiques sont de plus en plus polarisés par des mouvements politiques d’extrême droite ou isolationnistes, ce qui contribue à l’affaiblissement des institutions démocratiques et rend de plus en plus difficile la mise en œuvre de la coopération internationale et des processus consensuels.

Bibliographie indicative

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